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Arrêt de la CJUE “Energotehnica” : primauté du droit de l’Union et obligation des juges nationaux

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu, le 26 septembre 2024, un arrêt marquant dans l’affaire C-792/22 “Energotehnica”. Cette décision a réaffirmé un principe fondamental : la primauté du droit de l’Union européenne sur le droit national. Et ce, même face à une interprétation constitutionnelle nationale qui irait à l’encontre des droits garantis par l’Union.

Cet article explique cet arrêt et ses implications concrètes pour la justice nationale des États membres ainsi que sur le principe de primauté du droit de l’Union.

Contexte de l’affaire Energotehnica

L’affaire a débuté avec le décès tragique d’un électricien roumain par électrocution lors d’une intervention en septembre 2017. Suite à cet événement, deux procédures ont été engagées : une procédure administrative contre l’employeur pour violation des règles de sécurité, et une procédure pénale pour négligence et homicide involontaire visant le contremaître. Les proches de la victime se sont joints à la procédure pénale pour obtenir justice et réparation.

Le tribunal administratif a conclu que cet incident ne constituait pas un « accident du travail » et a annulé les sanctions imposées à l’employeur. Cependant, selon une législation roumaine, telle qu’interprétée par la Cour constitutionnelle nationale, cette décision administrative empêche la juridiction pénale d’examiner à nouveau si l’accident peut être considéré comme un accident du travail. Cela a conduit la cour d’appel de Brașov à interroger la CJUE sur la compatibilité de cette législation avec le droit de l’Union, particulièrement en ce qui concerne la protection des travailleurs et le droit à un recours effectif.

La question de la primauté du droit de l’Union dans l’affaire Energotehnica

La CJUE a estimé que le droit de l’Union s’oppose à une législation nationale qui empêche les juridictions pénales de reconsidérer des faits essentiels, comme la qualification d’un accident de travail, lorsque cela pourrait porter atteinte aux droits des parties concernées, en l’occurrence les proches de la victime. Le droit de l’Union impose aux États membres de garantir un environnement de travail sûr et de permettre aux travailleurs ou à leurs proches de faire valoir leurs droits par un recours effectif.

La Cour a rappelé que, selon le principe de primauté du droit de l’Union européenne, les juges nationaux doivent faire prévaloir le droit de l’Union même si cela les conduit à s’abstenir de suivre une décision de leur propre Cour constitutionnelle. Ce principe fondamental, bien qu’il ne soit pas explicitement inscrit dans les traités, a été affirmé par la jurisprudence constante de la CJUE.

Droit à un recours effectif : une obligation incontournable

Un aspect essentiel de l’arrêt concerne le droit à un recours effectif, qui inclut le droit d’être entendu. La CJUE a souligné que si une décision judiciaire empêche une partie d’exposer ses arguments, cela constitue une violation de ce droit. En l’espèce, la décision administrative, devenue définitive, empêchait les proches de la victime de participer pleinement à la procédure pénale, ce qui allait à l’encontre du droit de l’Union.

Ainsi, la CJUE a conclu que les juges nationaux ne pouvaient être sanctionnés pour avoir ignoré une décision de leur Cour constitutionnelle qui enfreindrait les principes fondamentaux du droit de l’Union, y compris le droit à un recours effectif.

Implications pratiques pour les juges nationaux

Cet arrêt est particulièrement important, car il renforce la position des juges nationaux lorsqu’ils doivent statuer sur des cas qui impliquent une potentielle contradiction entre le droit de l’Union et les législations ou décisions constitutionnelles nationales. Les juges nationaux ont non seulement le droit mais aussi l’obligation de mettre de côté une décision constitutionnelle si elle empêche l’application du droit de l’Union, notamment lorsqu’il s’agit de protéger les droits des individus.

Cela conforte le rôle des juges en tant que gardiens des droits conférés par l’Union européenne, indépendamment des pressions nationales, et garantit que les droits fondamentaux des citoyens, comme celui de bénéficier d’un environnement de travail sûr et d’un recours effectif, soient toujours protégés.

L’arrêt de la Cour rappelle également que, lorsqu’ils privilégient une norme de l’Union sur le droit national, un juge ne peut pas subir de sanction.

Résumé des points clés

  • Contexte spécifique : L’affaire concernait la mort d’un électricien et les obstacles législatifs à une reconnaissance appropriée de l’incident comme un « accident du travail », empêchant les proches de la victime de faire valoir leurs droits dans une procédure pénale.
  • Primauté du droit de l’Union : la CJUE a réaffirmé que le droit de l’Union prévaut sur les législations nationales, même en cas de conflit avec une décision de la Cour constitutionnelle nationale.
  • Droit à un recours effectif : le droit à être entendu fait partie intégrante du droit à un recours effectif. Toute décision qui restreint ce droit est en contradiction avec le droit de l’Union.
  • Protection des juges nationaux : un juge national ne peut être sanctionné pour avoir appliqué le droit de l’Union, même si cela signifie ignorer une décision de la Cour constitutionnelle.
  • Renvoi préjudiciel : cet arrêt souligne l’importance du renvoi préjudiciel comme outil permettant aux juridictions nationales de garantir la conformité de leurs décisions avec le droit de l’Union européenne.

Cet arrêt de la CJUE participe à la construction de l’espace juridique européen, en rappelant aux juges nationaux qu’ils sont les gardiens directs des droits européens, même contre leur propre système constitutionnel.

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