L’arrêt Fraisse et autres c. France, rendu par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) le 27 février 2025, porte sur le décès tragique de Rémi Fraisse lors d’une manifestation contre le barrage de Sivens en 2014. La Cour a conclu à la violation du droit à la vie (article 2 CEDH) dans son volet matériel, mais a écarté toute violation dans son volet procédural. Cet article revient en détail sur cette décision marquante et ses implications juridiques.
⚖️ Contexte de l’affaire Fraisse contre France : les faits
Rémi Fraisse, étudiant de 21 ans, a perdu la vie dans la nuit du 25 au 26 octobre 2014 après l’explosion d’une grenade offensive OF-F1, utilisée par les gendarmes pour disperser les manifestants. L’opération de maintien de l’ordre visait à contenir des affrontements violents sur le site de Sivens (Tarn), où des militants s’opposaient à la construction d’un barrage.
🔍 Procédure interne avant la saisine de la CEDH
À la suite du décès de Rémi Fraisse, une enquête judiciaire a été ouverte en France. Une information judiciaire a été confiée à des juges d’instruction du tribunal de grande instance de Toulouse pour des faits de violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner. Après plusieurs années de procédure, le 9 janvier 2020, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Toulouse a confirmé une ordonnance de non-lieu.
La famille de Rémi Fraisse a alors formé un pourvoi en cassation, qui a été rejeté par la Cour de cassation le 23 mars 2021, confirmant ainsi le non-lieu. En parallèle, une action en responsabilité administrative a été engagée devant le tribunal administratif de Toulouse, qui a reconnu la responsabilité sans faute de l’État, mais avec une exonération partielle fondée sur une imprudence supposée de la victime.
Face à ces décisions, estimant que la France n’avait pas respecté ses obligations au regard de l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme (droit à la vie), la famille Fraisse a saisi la CEDH en avril et septembre 2021.
🔍 Les requérants et leur demande
La famille de Rémi Fraisse a saisi la CEDH, estimant que l’État français avait manqué à ses obligations au regard de l’article 2 de la Convention, à la fois dans son volet matériel (usage disproportionné de la force) et dans son volet procédural (enquête inefficace).
📜 La décision de la CEDH dans l’arrêt Fraisse contre France
Violation du droit à la vie dans son volet matériel
La Cour a estimé que les autorités françaises n’avaient pas pris les mesures suffisantes pour éviter un usage disproportionné de la force :
- cadre juridique et administratif lacunaire sur l’usage des grenades OF-F1 ;
- défaillances dans la supervision et la préparation de l’opération ;
- absence d’un contrôle civil effectif sur la conduite des forces de l’ordre.
En conséquence, la France a été reconnue responsable d’une violation de l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme dans son volet matériel.
Absence de violation du droit à la vie dans son volet procédural
Concernant l’enquête menée par les autorités françaises, la Cour a considéré que celle-ci avait été :
- conduite de manière indépendante et impartiale ;
- menée avec des modifications substantielles du cadre juridique postérieures aux faits ;
- suffisante pour établir les faits et apprécier la légitimité du recours à la force.
Ainsi, la CEDH a jugé qu’il n’y avait pas de violation de l’article 2 dans son volet procédural.
Un arrêt non définitif
Il est important de noter que cet arrêt n’est pas encore définitif. Conformément aux articles 43 et 44 de la Convention, les parties disposent d’un délai de trois mois pour demander le renvoi de l’affaire devant la Grande Chambre de la CEDH. Si une telle demande est acceptée, l’affaire sera réexaminée et un arrêt définitif sera rendu. Dans le cas contraire, l’arrêt de chambre deviendra définitif à l’expiration de ce délai.
🔎 Conséquences et enseignements juridiques
Réformes du maintien de l’ordre
À la suite de cette affaire, l’usage des grenades OF-F1 a été interdit en France dès octobre 2014. La gestion des opérations de maintien de l’ordre a également été révisée pour mieux encadrer le recours à la force.
Responsabilité de l’État
Le jugement rappelle que l’État doit garantir un cadre juridique précis pour éviter les atteintes disproportionnées à la vie dans des situations de maintien de l’ordre.
📝 Récapitulatif des points clés
- Rémi Fraisse est décédé en 2014 après l’explosion d’une grenade OF-F1 utilisée par la gendarmerie.
- La CEDH a condamné la France pour violation de l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme dans son volet matériel (défaut de protection adéquate).
- En revanche, elle a jugé que l’enquête menée était conforme aux exigences procédurales.
- Cette affaire a conduit à une interdiction des grenades OF-F1 et à une réforme du cadre juridique du maintien de l’ordre.
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