Le 24 octobre 2024, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu un arrêt dans l’affaire C-240/22 P opposant la Commission européenne à Intel Corporation. Cet arrêt marque une étape importante dans le long contentieux entre la Commission et Intel, débuté en 2009.
La Cour confirme la décision antérieure du Tribunal de l’Union européenne d’annuler une amende de 1,06 milliard d’euros infligée à Intel pour abus de position dominante sur le marché des microprocesseurs x86.
Cet article revient sur les faits de l’affaire, les arguments des parties et l’importance de ce jugement pour le droit de la concurrence en Europe.
Contexte de l’affaire CJUE Intel : une amende record pour abus de position dominante
En mai 2009, la Commission européenne a imposé une amende de 1,06 milliard d’euros à Intel, société américaine et leader dans la fabrication de microprocesseurs, accusée d’avoir abusé de sa position dominante sur le marché des processeurs x86. L’abus allégué reposait sur l’octroi de « rabais de fidélité » à des fabricants d’ordinateurs, incitant ces derniers à utiliser principalement, voire exclusivement, des produits Intel au détriment de ceux de ses concurrents. La Commission considérait ces pratiques comme anticoncurrentielles, estimant qu’elles empêchaient des concurrents « aussi efficaces » de rivaliser sur le marché.
Intel, contestant la décision de la Commission, avait introduit un recours devant le Tribunal de l’Union européenne en 2014, lequel avait rejeté les arguments d’Intel et confirmé la décision de la Commission. Cependant, en 2017, la CJUE, saisie en pourvoi par Intel, a annulé cet arrêt du Tribunal et renvoyé l’affaire pour un réexamen approfondi, notamment en ce qui concerne le « test du concurrent aussi efficace » (as efficient competitor test, test AEC).
Sur renvoi, en 2022, le Tribunal a réévalué la décision de la Commission et décidé d’annuler en totalité l’amende infligée à Intel. Le Tribunal a notamment critiqué les évaluations de la Commission concernant le test AEC.
La Commission a alors contesté cette décision en introduisant un pourvoi devant la CJUE, avançant plusieurs moyens pour contester l’analyse du Tribunal.
L’arrêt de la CJUE Intel de 2024 : un rejet du pourvoi de la Commission
Le 24 octobre 2024, la CJUE a rejeté l’ensemble des moyens avancés par la Commission. L’arrêt confirme la décision du Tribunal de 2022 et réaffirme la nécessité d’un contrôle rigoureux des évaluations de la Commission par les juridictions de l’Union, particulièrement en matière de test du concurrent aussi efficace.
La CJUE souligne dans son arrêt que le Tribunal est en droit d’examiner tout argument soulevant des doutes sur les appréciations de la Commission, notamment lorsque celles-ci semblent incompatibles avec les principes qui encadrent le test AEC ou lorsqu’il existe des doutes sur la valeur probante des éléments factuels utilisés pour parvenir aux conclusions.
La CJUE ajoute qu’il n’appartient pas au Tribunal de chercher à justifier la décision de la Commission sur un raisonnement alternatif, lorsque ce raisonnement n’est pas cohérent et ne figure pas explicitement dans ladite décision.
Les implications de cet arrêt pour le droit de la concurrence
Cet arrêt est significatif pour le droit de la concurrence en Europe, car il confirme que la CJUE exige des institutions européennes une rigueur accrue dans l’application du droit de la concurrence, notamment dans les cas impliquant des entreprises occupant une position dominante.
Le contrôle des décisions de la Commission par les juridictions de l’Union constitue une garantie pour les entreprises qui contestent des décisions d’abus de position dominante, en particulier lorsque les preuves et les tests utilisés peuvent faire l’objet de divergences d’interprétation.
L’arrêt rappelle aux autorités de concurrence l’importance de produire des évaluations solides et cohérentes, surtout lorsque des amendes d’une telle ampleur sont en jeu.
Résumé des points clés
- Contexte : en 2009, Intel a été sanctionnée d’une amende de 1,06 milliard d’euros pour abus de position dominante. Le litige a connu plusieurs rebondissements judiciaires.
- Décision initiale : la Commission accusait Intel de pratiques anticoncurrentielles en raison de rabais de fidélité.
- Arrêt de la CJUE en 2024 : la CJUE confirme l’annulation totale de l’amende de 1,06 milliard d’euros, rejetant le pourvoi de la Commission.
- Implications : cet arrêt réaffirme l’importance du contrôle judiciaire des décisions de la Commission et la rigueur attendue dans l’application du test du concurrent aussi efficace.
Cet arrêt marque une étape importante dans le droit de la concurrence européen en posant des exigences renforcées de rigueur pour les autorités de régulation lorsqu’elles pénalisent des comportements d’abus de position dominante.
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