Le 4 février 2025, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu un arrêt dans l’affaire Keren (C-158/23), portant sur la compatibilité des exigences d’intégration civique imposées aux bénéficiaires d’une protection internationale avec le droit de l’Union européenne. Cet arrêt répond à des questions préjudicielles posées par le Conseil d’État néerlandais concernant la législation nationale des Pays-Bas sur le sujet.
Cet article analyse cette décision, ses implications juridiques et ses conséquences pour les États membres de l’Union européenne.
La législation néerlandaise sur l’intégration civique
Les obligations imposées aux bénéficiaires d’une protection internationale
La législation néerlandaise prévoit que les bénéficiaires d’une protection internationale doivent réussir un examen d’intégration civique dans un délai déterminé. Cette obligation s’accompagne de sanctions financières en cas d’échec, telles que des amendes et le remboursement des prêts accordés pour financer les cours et examens.
Dans l’affaire Keren, un jeune Érythréen, arrivé aux Pays-Bas à 17 ans, s’est vu accorder la protection internationale. Il a dû suivre un programme d’intégration et réussir l’examen dans un délai de trois ans, prolongé d’un an en raison de circonstances spécifiques. Après plusieurs échecs et des absences à certains cours et examens, il s’est vu infliger une amende de 500 euros ainsi que l’obligation de rembourser un prêt de 10 000 euros pour financer le programme d’intégration. Par la suite, les autorités ont estimé qu’il avait fait suffisamment d’efforts et l’ont dispensé de l’obligation de réussir les examens du programme d’intégration. Cependant, le remboursement du prêt et l’amende restent exigibles.
L’analyse de la CJUE : compatibilité avec le droit de l’Union
La marge d’appréciation des États membres
La CJUE a jugé que le droit de l’Union n’interdit pas aux États membres d’imposer des obligations d’intégration civique aux bénéficiaires d’une protection internationale. En effet, l’acquisition de connaissances linguistiques et sociétales favorise l’intégration dans la société d’accueil et l’accès au marché du travail.
Cependant, la Cour a rappelé que cette marge d’appréciation doit être exercée dans le respect des principes fondamentaux de l’Union, notamment la proportionnalité et la non-discrimination.
Prise en compte des circonstances personnelles
L’un des points essentiels de l’arrêt est l’obligation pour les États membres de tenir compte des circonstances personnelles des bénéficiaires de la protection internationale. La Cour précise que des facteurs tels que l’âge, le niveau d’éducation, la situation financière et l’état de santé doivent être pris en considération lors de l’évaluation de l’obligation d’intégration.
Par conséquent, l’imposition d’une amende systématique en cas d’échec à l’examen est jugée contraire au droit de l’Union. Une telle sanction ne peut être appliquée que dans des situations exceptionnelles, caractérisées par une absence avérée et persistante de volonté d’intégration.
Les limites des obligations financières
La disproportion des sanctions financières
La CJUE a également critiqué la charge financière excessive imposée par la législation néerlandaise. Le fait de faire supporter l’intégralité des frais des cours et des examens par les bénéficiaires d’une protection internationale est jugé déraisonnable. Cette obligation compromet l’objectif d’intégration effective, car elle crée des obstacles financiers qui entravent l’accès aux programmes d’intégration et l’exercice des droits liés à la protection internationale.
Résumé des points clés
- Obligations d’intégration : les États membres peuvent imposer des examens d’intégration civique, mais doivent respecter certaines conditions.
- Circonstances personnelles : l’évaluation des efforts d’intégration doit prendre en compte des facteurs individuels tels que l’âge, la santé et la situation financière.
- Sanctions financières : les amendes ne peuvent être infligées que dans des cas exceptionnels et les charges financières excessives pour les cours et les examens d’intégration sont contraires au droit de l’Union.
Cet arrêt de la CJUE souligne l’importance d’un équilibre entre les politiques d’intégration des États membres et la protection des droits fondamentaux des bénéficiaires d’une protection internationale.
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