Le 24 avril 2025, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a rendu un arrêt majeur dans l’affaire L. et autres contre la France. Cet arrêt regroupe trois requêtes (n° 46949/21, n° 24989/22 et n° 39759/22) introduites par des femmes dénonçant des viols subis alors qu’elles étaient mineures.
La Cour a conclu, à l’unanimité, à une violation des articles 3 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme dans les trois affaires, ainsi qu’à une violation de l’article 14 combiné avec les articles 3 et 8 dans la requête n° 46949/21. Retour sur un arrêt qui questionne profondément le cadre légal et judiciaire français en matière de violences sexuelles sur mineures.
Les faits à l’origine de l’affaire L. et autres c. France
1. L’affaire L. contre France (n° 46949/21)
La requérante, âgée de 14 ans au moment des faits, a dénoncé des rapports sexuels répétés avec plusieurs sapeurs-pompiers, dans un contexte de grande fragilité psychologique. L’enquête a duré plus de dix ans, se soldant par un non-lieu pour les faits de viol. La CEDH a pointé un défaut d’analyse du contexte de vulnérabilité et de la notion de consentement réel.
2. L’affaire H.B. contre France (n° 24989/22)
Âgée de 14 ans, H.B. a eu des relations sexuelles avec des adultes alors qu’elle était en état d’ivresse manifeste. Les juridictions internes ont estimé qu’elle pouvait être considérée comme consentante. La CEDH a reproché l’absence de prise en compte de l’alcoolisation et du contexte de vulnérabilité dans l’évaluation du consentement.
3. L’affaire M.L. contre France (n° 39759/22)
M.L. a dénoncé des rapports non consentis survenus à l’âge de 16 ans lors d’une soirée. La justice française a conclu à un non-lieu, sans accorder suffisamment de crédit à ses déclarations, ni évaluer correctement son état psychologique. La CEDH a critiqué l’usage de stéréotypes de genre et un déséquilibre dans l’évaluation des témoignages.
Analyse juridique de l’arrêt de la CEDH
Violations des articles 3 et 8 de la Convention EDH
La Cour rappelle que l’État a l’obligation positive de protéger ses citoyens contre les atteintes à leur intégrité physique et psychologique, en particulier dans les cas de violences sexuelles. Elle considère que le système pénal français, dans ces affaires, n’a pas permis une répression effective des actes non consentis, ni garanti une prise en charge adaptée des victimes.
Violation de l’article 14 : traitement discriminatoire
Concernant L., la Cour souligne une victimisation secondaire et l’usage de stéréotypes sexistes dans l’analyse judiciaire. Elle conclut à une discrimination fondée sur le sexe, en violation de l’article 14.
Défaillances procédurales et lenteurs judiciaires
Dans deux affaires, la CEDH relève des délais excessifs, portant atteinte à l’exigence d’effectivité des procédures. L’instruction a duré jusqu’à onze ans dans le cas de L., sans qu’une condamnation ait été prononcée malgré des éléments graves.