Chaque année, la fin de la trêve hivernale marque la reprise des expulsions locatives en France. Cette période de protection, prévue par le Code des procédures civiles d’exécution, suspend les mesures d’expulsion durant les mois les plus froids afin de préserver les personnes vulnérables. Mais à l’issue de cette trêve, les conséquences juridiques et humaines peuvent être significatives.
Quelles sont les règles applicables dès le 1er avril 2025 ? Quels recours pour les locataires menacés d’expulsion ? Quelles démarches pour les bailleurs souhaitant faire exécuter une décision de justice ? Cet article vous propose un tour d’horizon complet des enjeux juridiques, sociaux et pratiques liés à la fin de la trêve hivernale.
Qu’est-ce que la trêve hivernale ?
La trêve hivernale est une mesure de protection sociale inscrite dans l’article L. 412-6 du Code des procédures civiles d’exécution, qui interdit l’exécution des expulsions locatives pendant une période allant du 1er novembre au 31 mars de chaque année. Mise en place pour éviter que des personnes soient mises à la rue en période de grand froid, elle s’inscrit dans une logique de sauvegarde de la dignité humaine.
Durant cette période, bien qu’une procédure judiciaire puisse être initiée ou poursuivie, l’exécution d’une expulsion est suspendue. En revanche, cela ne signifie pas que les loyers cessent d’être dus. Les dettes locatives peuvent continuer de s’accumuler, ce qui peut accentuer les difficultés à la fin de la trêve pour les locataires concernés.
En 2025, la trêve hivernale prend fin le 1er avril, date à laquelle les décisions de justice préalablement rendues peuvent être mises en application.
Pour en savoir plus sur la trêve hivernale, vous pouvez consulter notre article complémentaire sur le sujet : Trêve hivernale 2024-2025 : comprendre cette période de protection des locataires.
Les exceptions à la trêve hivernale
La trêve hivernale constitue une protection importante, mais elle n’est pas absolue. Certaines situations spécifiques ne sont pas couvertes par cette suspension temporaire des expulsions, et cela vaut aussi bien pendant qu’après la trêve :
- Immeubles dangereux : lorsqu’un immeuble fait l’objet d’un arrêté de péril, les occupants peuvent être expulsés immédiatement, y compris pendant la trêve hivernale. Cette mesure vise à garantir leur sécurité et à éviter les drames liés à l’insalubrité ou aux risques structurels graves.
- Occupants sans droit ni titre : les personnes occupant un logement par voie de fait (par effraction, violence ou manœuvres frauduleuses), notamment les squatteurs, ne bénéficient pas de la protection de la trêve hivernale. La loi a été renforcée ces dernières années pour permettre une expulsion plus rapide de ces occupants illicites.
Quelles sont les conséquences de la fin de la trêve hivernale ?
1. Reprise des expulsions
Dès le 1er avril, les décisions de justice ordonnant l’expulsion peuvent être exécutées. Les locataires doivent quitter leur logement, sauf si un délai supplémentaire a été accordé par le juge (art. L. 412-3 CPCE).
2. Conditions légales pour procéder à une expulsion
La procédure d’expulsion ne peut pas être mise en œuvre de manière unilatérale par le propriétaire. Elle est strictement encadrée par la loi et implique plusieurs étapes :
- Commandement de quitter les lieux : il s’agit d’un acte signifié au locataire par un commissaire de justice (anciennement huissier de justice). Ce commandement constitue une mise en demeure de libérer les lieux dans un délai légal de deux mois. Ce délai peut être suspendu ou prorogé dans certaines situations (recours DALO, demande de délai au juge).
- Concours de la force publique : si le locataire ne quitte pas les lieux volontairement à l’issue du délai, le commissaire de justice peut solliciter le concours de la force publique (préfecture). En cas de refus de l’administration, l’expulsion est retardée, mais le propriétaire peut engager la responsabilité de l’État et demander une indemnité pour le préjudice subi (article L. 153-1 du CPCE).
Il est essentiel de souligner que toute expulsion effectuée sans respecter ces conditions est illégale et peut entraîner des sanctions pénales à l’encontre du bailleur.
Obligations des parties
Pour le propriétaire
- Ne jamais expulser sans passer par un commissaire de justice. Toute tentative d’expulsion sans décision judiciaire exécutoire ni recours à un professionnel habilité constitue une violation de domicile, passible de sanctions pénales.
- Respecter les délais et les procédures légales. Le bailleur doit suivre rigoureusement chaque étape de la procédure d’expulsion sous peine d’irrecevabilité ou d’annulation de la procédure. Il est également tenu de veiller à ce que la demande d’expulsion soit fondée sur des motifs sérieux et légitimes (impayés persistants, défaut d’assurance, troubles de voisinage graves, etc.).
Pour le locataire
- Peut demander un délai de grâce au juge (jusqu’à 3 ans) en invoquant des difficultés sociales, familiales ou économiques. Ce délai permet de se maintenir dans le logement tout en recherchant une solution de relogement.
- Recourir aux aides sociales ou au dispositif DALO (Droit au logement opposable). Le locataire peut saisir la commission de médiation DALO s’il est menacé d’expulsion sans relogement, et faire valoir son droit à un logement décent dans des délais raisonnables.
- Fonds de solidarité pour le logement (FSL) : ce fonds peut apporter une aide financière aux personnes rencontrant des difficultés financières pour accéder et se maintenir dans un logement.
- Se faire accompagner par un avocat ou un travailleur social afin d’évaluer les recours disponibles, formuler des demandes de délai, ou obtenir un accompagnement au relogement. Un accompagnement juridique est souvent décisif pour faire valoir ses droits efficacement.
Impacts socio-économiques
La fin de la trêve hivernale a des répercussions concrètes et parfois sévères pour les deux parties concernées : les locataires et les propriétaires (ou bailleurs). D’un côté, elle expose les ménages précaires à un risque réel de perte de logement, tandis que de l’autre, elle permet aux propriétaires d’enfin récupérer leur bien, souvent après plusieurs mois voire années de loyers impayés.
Pour les locataires, la reprise des expulsions peut représenter un basculement vers une situation d’extrême précarité. De nombreux ménages sont en attente de solutions de relogement, et certains peuvent se retrouver sans domicile fixe. Cette situation entraîne des conséquences graves sur la santé mentale, la stabilité familiale et l’accès aux droits sociaux. Les familles monoparentales, les personnes âgées ou en situation de handicap sont particulièrement vulnérables.
Pour les propriétaires, la fin de la trêve est perçue comme une opportunité légitime de faire valoir leurs droits. Nombre d’entre eux subissent des pertes financières importantes liées aux impayés de loyers et à l’impossibilité d’occuper ou de relouer leur bien. Cela peut avoir un impact économique significatif, notamment pour les petits bailleurs pour qui les revenus locatifs représentent une part essentielle de leurs ressources, voire un complément de retraite.
Résumé des points clés sur la fin de la trêve hivernale
- 📅 Fin de la trêve hivernale : le 1er avril 2025 marque la reprise possible des expulsions locatives.
- ⚖️ Cadre légal : les expulsions doivent respecter une procédure stricte (commandement de quitter, délai de 2 mois, concours de la force publique).
- 🚫 Exceptions : la trêve ne s’applique pas aux squatteurs ou aux occupants d’immeubles en péril.
- 👥 Pour les locataires : possibilité de demander un délai au juge, accompagnement social et juridique conseillé.
- 🏠 Pour les bailleurs : droits réactivés à l’issue de la trêve, mais procédure obligatoire à respecter pour éviter les sanctions.
- 📌 Impact socio-économique : tension importante pour les deux parties, importance de l’accompagnement juridique et social.
La fin de la trêve hivernale relance les procédures d’expulsion, dans un cadre strictement réglementé. Propriétaires comme locataires doivent connaître leurs droits pour anticiper ou réagir efficacement.
Face à des enjeux juridiques souvent complexes, il est fortement recommandé de se faire accompagner par un avocat spécialisé en droit immobilier. Que vous soyez bailleur ou locataire, un accompagnement personnalisé peut faire toute la différence.
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