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 L’abolition de la peine de mort : tout comprendre sur cet évènement fondamental dans le droit français

Le droit à la vie est le premier des droits de l’homme. Selon le Comité des droits de l’homme , le droit à la vie est « le droit suprême de l’être humain« .

L’élimination de la peine capitale en France en 1981 est le couronnement d’un effort prolongé, jalonné d’essais répétés depuis la période révolutionnaire.

Le 17 septembre 1981, l’Assemblée nationale commence à délibérer sur la proposition de loi visant à abolir la peine de mort. Suite à son approbation par le Parlement, la loi du 9 octobre 1981, connue sous le nom de loi Badinter, met fin de manière définitive à l’usage de la guillotine.

Comment était appliquée la peine de mort avant son abolition en 1981 ?

Jusqu’en 1981, le droit français, à travers le Code pénal, le Code de justice militaire et diverses lois additionnelles, énumérait une vaste gamme de délits susceptibles d’entraîner la peine capitale. Ces textes détaillaient également les modalités d’application de cette sentence extrême :

  • L’exécution par fusillade était réservée aux condamnés jugés par les tribunaux militaires ;
  • la décapitation était la méthode employée dans le reste des cas, conformément à l’article 12 du Code pénal.

La peine de mort par la décapitation

Le décret du 20 mars 1792, qui était encore en application en 1981, désignait la guillotine comme l’unique méthode d’exécution, avec deux exceptions où la fusillade était autorisée :

  • Lorsque, en raison de conditions de guerre ou de problèmes de communication, il était impossible de transporter la guillotine jusqu’au lieu d’exécution, selon les ordonnances des 3 mars et 29 novembre 1944 ;
  • lorsque la peine de mort était décidée pour des crimes contre la sûreté de l’État, d’après l’article 13 du Code pénal.

Les méthodes de mise à mort pendant l’ancien régime

Depuis la Révolution française, la guillotine est devenue l’emblème de l’exécution légale pour les criminels civils.

Avant la Révolution, les méthodes d’exécution étaient diversifiées et comprenaient la pendaison, la combustion sur le bûcher, la mise à mort par la roue, le démembrement, l’immersion dans l’eau bouillante, et la décapitation par l’épée, cette dernière étant spécifiquement destinée à l’aristocratie. De plus, l’exécuteur des hautes œuvres manquait souvent de précision, causant des souffrances superflues aux personnes condamnées.

Cette disparité dans le traitement des condamnés, même dans la mort, révoltait les révolutionnaires.

En octobre 1789, porté par un élan de réforme du droit pénal, le docteur Joseph-Ignace Guillotin (1738-1814), membre de l’Assemblée nationale constituante, défendit l’idée d’une uniformité des sanctions, indépendamment du statut social ou de la condition de l’accusé. Le 1er décembre 1789, il suggéra que, pour toute condamnation à mort, « la décapitation soit l’unique peine utilisée et qu’une machine puisse remplacer la main du bourreau« . Il formule ainsi sa proposition concernant la peine capitale : « La peine sera identique, quel que soit le crime… Le condamné sera décapité ; cela sera fait par le biais d’un mécanisme simple. »

Deux années plus tard, le code pénal de 1791 prévoyait que « chaque condamné à mort sera décapité », en adoptant une phrase qui entrerait dans l’histoire.

La diminution progressive des condamnations à mort

Avec le temps, l’application de la peine capitale a vu une diminution notable, en partie due à un changement des attitudes sociales qui a restreint l’utilisation fréquente de la guillotine, prévue par la législation.

En 1825, on enregistrait onze exécutions pour un taux de criminalité éligible à la peine de mort d’environ 24 cas pour 1 million d’habitants.

Un siècle et demi plus tard, le nombre d’exécutions avait chuté à zéro, pour un taux de criminalité réduit à 10 pour 1 million d’habitants.

Quelles ont été les ultimes condamnation à mort en France ?

Entre juin 1969 et 1974, pendant la présidence de Georges Pompidou, trois personnes condamnées à la peine ultime furent exécutées :

  • Claude Buffet et Roger Bontems, le 28 novembre 1972, à la prison de la Santé à Paris ;
  • Ali Benyanès, le 12 mai 1973, à la prison des Baumettes à Marseille.

Entre 1974 et 1981, sous le mandat de Valéry Giscard d’Estaing, se sont déroulées les trois dernières exécutions par la guillotine :

  • Christian Ranucci, le 28 juillet 1976, à la prison des Baumettes à Marseille ; Jérôme Carrein, le 23 juin 1977, à la prison de Douai ;
  • Hamida Djandoubi, le 10 septembre 1977, également à la prison des Baumettes à Marseille.

L’abolition de la peine de mort

Entre 1972 et 1980, Robert Badinter s’est distingué en tant qu’avocat dans plusieurs dossiers judiciaires marqués par le débat sur l’application de la peine capitale.

Suite à l’élection de François Mitterrand en 1981, il a été nommé Ministre de la Justice, où il a activement promu le projet de loi visant à abolir la peine de mort devant le Parlement.

La proposition de loi soutenue par Robert Badinter

La proposition de loi pour abolir la peine de mort fut introduite en août 1981, faisant suite à l’élection de François Mitterrand le 10 mai 1981. Mitterrand, ayant promis l’abolition de la peine capitale durant sa campagne, a vu cet engagement politique prendre forme lorsque le Premier ministre, Pierre Mauroy, a proclamé l’intention d’abolir la peine de mort lors de son discours à l’Assemblée nationale le 8 juillet.

Robert Badinter, alors Ministre de la Justice, a officiellement présenté le projet de loi au conseil des ministres le 26 août.

Le texte de loi, portant le numéro 310, a été officiellement soumis à l’Assemblée nationale le 29 août.

Le vote de la proposition de l’abolition de la peine de mort

En septembre 1981, l’Assemblée nationale commence le 17 septembre à examiner le projet de loi visant à abolir la peine de mort, porté par un discours mémorable de Robert Badinter :

    « Devant cette Assemblée nationale, au nom du Gouvernement de la République, j’ai l’honneur de solliciter l’abolition de la peine de mort en France…« .

La suite du discours se poursuit avec force et conviction.

Le lendemain, 18 septembre, l’Assemblée nationale approuve le projet de loi dans son intégralité par 363 votes favorables contre 117. L’article premier est également accepté avec une large majorité de 369 pour et 113 contre. Un article supplémentaire est voté, annonçant qu’une future réforme du code pénal ajustera les modalités d’exécution des peines en conséquence de cette nouvelle loi d’abolition.

Le débat se transporte au Sénat le 28 septembre, où il s’étend sur trois jours. L’issue du projet de loi y semble incertaine au début, notamment après la démission du rapporteur désigné par la Commission des lois, qui est rapidement remplacé. Plusieurs amendements sont proposés, notamment par Edgar Faure, visant à conserver la peine capitale pour les crimes les plus atroces.

Le 30 septembre, un vote au Sénat rejette cet amendement par 172 voix contre 115 (les autres étant retirés) et approuve le projet de loi dans les mêmes termes que l’Assemblée nationale, avec 160 voix pour et 126 contre, aboutissant ainsi à son adoption définitive sans nécessité d’une seconde lecture.

Les détails complets des discussions de septembre 1981 sont accessibles sur les sites web de l’Assemblée nationale et du Sénat.

La promulgation de la loi abolissant la peine de mort a lieu le 9 octobre 1981 par François Mitterrand, et la loi est publiée au Journal officiel le lendemain, le 10 octobre.

L’entrée dans la Constitution de l’abolition de la peine de mort

La ratification du protocole de la CEDH

En 1986, la France procède à la ratification du protocole n° 6 de la Convention européenne des droits de l’homme. Ce protocole, signé dans le cadre de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH), établit l’abolition de la peine de mort comme une obligation juridique pour les États parties à la Convention européenne des droits de l’homme.

La loi autorisant cette ratification est adoptée définitivement par l’Assemblée nationale le 20 décembre 1985 et promulguée le 31 décembre 1985.

Cette ratification confère à l’abolition une dimension internationale, lui donnant un caractère presque irréversible. Cependant, ce protocole permet aux États membres du Conseil de l’Europe de maintenir la peine de mort dans leur législation en temps de guerre, une exception qui contredit la tendance internationale vers une abolition totale de cette peine.

En réponse à cela, deux nouveaux protocoles interdisant totalement la peine de mort sont adoptés, l’un par l’Assemblée générale des Nations unies le 15 décembre 1989 à New York et l’autre par le Conseil de l’Europe le 3 mai 2002 à Vilnius. La France exprime son intention de ratifier ces deux instruments à visée internationale, en vue de promouvoir l’abolition universelle.

Cependant, pour ratifier le protocole international de New York, qui ne peut être révoqué, une révision constitutionnelle est jugée nécessaire par le Conseil constitutionnel, qui est saisi par le président de la République, Jacques Chirac, le 13 octobre 2005. Cette révision constitutionnelle est réalisée en 2007.

La révision constitutionnelle

Le processus de révision constitutionnelle est annoncé par Jacques Chirac le 3 janvier 2006, dans lequel il exprime la volonté d’inscrire formellement l’abolition de la peine de mort dans la Constitution.

Le projet de loi constitutionnelle est présenté en conseil des ministres le 17 janvier 2007 et adopté par le Parlement réuni en Congrès à Versailles le 19 février 2007. La loi constitutionnelle relative à l’interdiction de la peine de mort est promulguée le 23 février 2007, ajoutant un article unique à la Constitution qui dispose que « Nul ne peut être condamné à la peine de mort. »

Ainsi, en 2007, la France devient l’un des 18 pays européens à inscrire dans sa Constitution l’interdiction de la peine de mort, élevant ainsi l’abolition au plus haut niveau de la hiérarchie des normes.

La révision constitutionnelle permet ainsi à la France de ratifier le Protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort.

Il permet également la ratification du protocole n°13 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, relatif à l’abolition de la peine de mort en toutes circonstances.

En conclusion

L’abolition de la peine de mort en France marque une avancée significative vers la protection des droits fondamentaux et la reconnaissance de la dignité humaine.

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